Par Caroline Ruest
Après des mois à rire, s’amuser et se chamailler, il est arrivé le moment où l’on doit se quitter. Bien que cela ne t’enchante pas, tu dois accepter cet état. Je sais que plusieurs te maudissent. Certains même se poussent de toi lorsqu’ils te voient. Moi, je ne te hais pas. Moi, je ne te fuis pas. Au fil des saisons, nous avons su établir une saine relation, comportant à la fois ses hauts et ses bas. Toutefois, si tu ne le sais pas déjà, je te confirme qu’il est à présent venu le temps de passer au suivant. Pourquoi t’éterniser dans les aurevoirs? Pourquoi imposer encore ta présence quand elle n’est plus autant recherchée? Ne gâche pas tous les bons moments que nous avons su partager. Va et pars maintenant. Je t’en supplie.
Sache que malgré les années qui filent et se défilent, j’attends toujours ton arrivée avec autant de frénésie. La saison des récoltes passée, ta froideur s’installe irrémédiablement comme un gage de ton pèlerinage en nos terres maraîchères. Ton odeur singulière est telle qu’elle me donne envie de respirer lentement et profondément. Je prends plaisir à humer ta douceur et à la laisser me posséder. Elle se fraie ainsi un chemin jusque dans mes poumons, si bien que je me plais à vivre ce moment avec exaltation. Chaque année, j’espère ardemment l’instant où je verrai la blancheur de tes flocons descendre du ciel en virevoltant joyeusement. Lorsque tu te pares de tes habits les plus saillants, mon cœur d’enfant s’émerveille devant tant d’élégance. Tu revêts alors ta robe d’une pureté inégalée, apaisant par le fait même les âmes agitées.
Fouler les sentiers enneigés, faire des balades en traîneau et des jeux rigolos sous la neige avec Anna-May est le plus beau des cadeaux. Voir ses yeux s’écarquiller et son visage s’illuminer tandis que tes flocons viennent lui chatouiller le bout du nez m’émeut chaque fois. Dans la chaleur de notre logis, je chéris nos matinées à trainailler tous les trois dans le lit où règnent d’adorables histoires. Boire un chai latté, lire un recueil de nouvelles et écrire des récits alors que ma fille dort paisiblement me pousse à profiter de chaque instant.
Tu amènes avec toi un des plus chaleureux moments de l’année où règnent joie et festivités. Décorer le sapin en le parant de ses plus beaux atours tout en écoutant du Michael Bublé est une activité que je prends plaisir à réaliser. Observer Anna-May s’émerveiller devant les lumières scintillantes et l’entendre me demander de les allumer pour son plus grand bonheur me ravit. Visionner des films où l’on célèbre le temps des fêtes est une tradition par ici. Souligner l’anniversaire de ma fille ainsi que le mien ajoute au fait que je t’apprécie.
Malgré tout cela, ton règne doit s’achever. Surtout, n’aie aucun regret. Tu as su briller et te démarquer comme à chaque moment où tu réapparais. Tu nous as gâtés plusieurs fois avec tes grands froids et tes nombreuses tempêtes, peut-être un peu trop parfois. Bien que je t’affectionne particulièrement, je dois t’avouer être enthousiaste à l’arrivée du printemps. Je sens que tu n’es pas prêt à nous quitter, mais tu dois maintenant céder ta place à la saison du renouveau. Je sais que nous nous retrouverons bientôt, alors pourquoi t’éterniser? Va te reposer et laisse la chaleur rayonner. Laisse au printemps le bonheur de voir les bourgeons fleurir, d’entendre les oiseaux chanter et d’observer la nature renaître de ses cendres. Laisse à la terre la possibilité d’absorber ta blancheur pour laisser place aux tapis de mousse verdoyants. Va et pars maintenant. Je t’en supplie. Après tout, ce n’est qu’un aurevoir.
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